Un roman de famille : Josépha, 83 ans : « Mes parents sont arrivés d’Espagne en 1938, fuyant la guerre civile qui sévissait dans leur pays. Ils avaient tout quitté, partant avec quelques valises seulement et leurs 4 enfants. Même si cette histoire est aujourd’hui bien lointaine, je pense que mes descendants la connaissent. Il est question de leurs racines, j’ai donc écrit un livret où je fais le récit de l’émigration de ma famille et de son installation en France. Je l’ai offert à mes enfants et petits-enfants ».
Dépositaires d’un passé familial douloureux, certains peuvent avoir le désir de la taire. Peut-être pour tenter de l’oublier ou de pas « encombrer » les générations suivantes. Josépha a fait le choix contraire. « Conter l’histoire d’une migration familiale à ses enfants et petits-enfants constitue un cadeau extraordinaire. Il s’agit non seulement de leur délivrer un savoir sur leurs origines qui évitera les questions sans réponse, les « trous » dans leur histoire. Mais aussi de leur offrir une magnifique leçon de vie, de courage, d’honneur et de résilience incarnée par leurs aïeux, source d’inspiration dans la conduite de leur propre existence » avance Martine Teillac , psychanalyste et auteure de « je dis stop à ceux qui me gâchent la vie »
La transmission s’est faite sous la forme d’un livre, sans doute parce que les écrits restent. « Ce support, encore plus que la parole, donne la garantie d’une transmission pérenne qui pourra se poursuivre au fil des générations. Chacun s’appropriant ce « roman familial » à sa manière, en faisant sa propre lecture l’enrichissant et le transmettant à son tour », constate la psychologue Geneviève Djénati.
Une aide financière : Jacques, 69 ans « la vie est devenue très compliquée pour les jeunes générations. Il leur est quasiment impossible d’effectuer un achat immobilier sans un coup de pouce financier. Voilà pourquoi avec mon épouse, nous nous sommes organisés pour faire des dons d’argent à nos 2 enfants. L’idée d’une transmission est rassurante, c’est concret et nous avons pu voir le résultat à travers les appartements qu’ils ont achetés. Ils seront, ainsi que leurs petits-enfants matériellement à l’abri ancestral de l’héritage qui avait lieu seulement après leur mort. Désormais, ils veulent transmettre de l’argent
ou des biens de leur vivant au moment où les jeunes en ont le plus besoin. « C’est une transmission utile et pragmatique, qui vise à sécuriser le parcours des enfants, à leur éviter tous les tracas matériels qui peuvent assombrir le devenir d’un jeune couple ».
« Une transmission réussie, qui n’engendrera ni tensions ni rancœurs, doit respecter la liberté de l’enfant d’en faire ce qu’il veut. Donner de l’argent n’autorise pas à contrôler ses choix de vie ni à exercer un chantage affectif »
L’engagement comme héritage- Clarisse 76 ans qui à cœur de léguer des valeurs. Chaque génération a repris à son compte, semble-t-il avec bonheur cette mission de se mettre au service d’autrui. Mais à l’inverse, ce type de transmissions peut mener au pire, un enfant se retrouvant prisonnier d’un modèle auquel il se sent obligé de se soumettre, de peur d’être rejeté par sa famille. Veillons donc à ne pas enfermer nos enfants et petits-enfants dans des valeurs familiales qui pourraient leur faire violence.
Marie-Thérèse LOTHIER