Madame la Première Ministre,
Nous nous permettons d’attirer votre attention sur la violence et le harcèlement dont sont victimes les salariés de nos professions.
Le syndicat UNI, auquel notre Fédération est affiliée, vient de publier une étude sur cette thématique concernant le secteur du commerce.
Ce phénomène ne date pas d’hier et a été totalement intégré par les travailleuses et les travailleurs du secteur du commerce.
Avant même la COVID-19, des recherches universitaires, que des enquêtes syndicales menées auprès de personnels du commerce du monde entier, montrent que la violence exercée par des tiers était si courante que de nombreux salariés considéraient qu’elles faisaient tout simplement « partie du travail ».
Les enjeux du secteur commerce liés à la pandémie et les nouvelles pressions ont entraîné une montée en flèche de la violence et du harcèlement envers le personnel. Les travailleurs et les travailleuses du commerce ont répondu aux besoins vitaux de la population même pendant les périodes de confinement les plus strictes. En retour, nombreux sont les clients ayant eu un comportement agressif, insultant voire violent dans les commerces.
Si la COVID-19 semble être derrière nous, les violences continuent contre les salariés du commerce. La France est tout autant concernée que ses voisins européens. Les salariés du commerce vivent une véritable omerta concernant ces abus quotidiens. En référer à leur hiérarchie leur semble inutile, car souvent on leur répond que le client est roi. Comment peut-on encore tolérer ce genre de comportement ? Le rôle premier de l’employeur envers son employé est d’assurer sa sécurité sur son lieu de travail. Comment un salarié peut-il se sentir en sécurité après avoir vécu une agression et ne pas avoir été reconnu en tant que victime ? Dans certains commerces, nous savons qu’un client mécontent qui insulterait un salarié obtiendrait immédiatement un dédommagement sous forme de bons d’achat alors qu’il n’y a aucune faute de la part du salarié. Il est d’autant plus insupportable que dans des cas de violence physique, le salarié impliqué se retrouve licencié pour faute grave pour s’être défendu.
Nous sommes aujourd’hui face à un véritable vide juridique. Il n’est pas acceptable qu’au nom de la satisfaction client nous tolérions des comportements violents et que les salariés se retrouvent sanctionnés en ayant juste effectué leur travail.
Au niveau international, des gouvernements se sont saisis du sujet. Après différentes études et campagnes de sensibilisation, certains en sont venus à légiférer. Nous retenons tout particulièrement :
- L’Écosse a voté une loi qui institue un nouveau délit pour agressions, menaces, comportements abusifs, obstruction ou entrave à l’encontre d’un travailleur ou d’une travailleuse du secteur du commerce de détail. Le non-respect de cette loi peut donner lieu à une sanction pouvant aller jusqu’à une peine d’emprisonnement de 12 mois.
- Le Pays de Galles a étendu aux salariés du commerce de détail la loi de 2020 protégeant les agents du service public contre les agressions.
- La Suède a également légiféré sur cette question en votant une loi permettant de refuser l’accès aux magasins de détail aux clients pouvant constituer une menace pour les salariés.
Notre Fédération agit en sensibilisant les différentes directions des entreprises du commerce et en soutenant nos collègues ayant subi une agression ou du harcèlement. Malheureusement, cela ne suffit pas face à un vide juridique, il est nécessaire que le législateur agisse pour que ces comportements cessent ou soient sanctionnés !
Nous ajoutons que, si les études actuelles relèvent du champ du commerce, il faudrait également prendre en compte certaines branches du secteur des services qui sont également des publics à risque, comme les agents de sécurité ou de nettoyage qui sont régulièrement la cible d’agressions, encore trop souvent passées sous silence.
Il est temps désormais que la France soit à la hauteur des autres pays européens en votant une loi digne de la convention n° 190 de l’OIT, premier traité international à reconnaître le droit de chacun à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement.
La France se doit d’être exemplaire sur ce sujet au combien important pour nos salariés et une loi fédératrice pour les autres pays européens serait à l’image de la place de la France dans l’Europe.
En conséquence, nous vous demandons de bien vouloir apporter une réponse législative à ces problèmes et nous vous en remercions par avance.
Nous restons à votre entière disposition pour toute information complémentaire.
Nous vous prions de croire, Madame la Première Ministre, en l’expression de notre haute considération.
Patrick ERTZ,
Président de la Fédération CFTC-CSFV